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lundi 29 janvier 2007

Quatre heures de trajet par jour, et plus, sans affinités

La ligne Paris-Argentan-Granville est fréquentée par des « abonnés » qui font parfois plus de 300 kilomètres par jour pour aller travailler. Ce lien économique est essentiel pour la région bas-normande, mais la SNCF ne semble guère s¹en soucier. Problèmes techniques et mouvements sociaux font de ce trajet une véritable galère pour les usagers.

06h48, un matin banal et hivernal. Brume et froid piquant incitent les voyageurs du train à destination de Paris-Montparnasse-Vaugirard à rester jusqu¹au dernier moment à l¹intérieur de la gare de L¹Aigle (Orne). Hormis les passagers ponctuels (relativement nombreux, tout de mêmeŠ), nous sommes une soixantaine de doux dingues (on nous appelle « les fêlés ») à faire chaque jour l¹aller-retour entre la capitale et cette petite ville aux portes de la Basse-Normandie, soit presque 300 kilomètres quotidiens (environ trois heures de train, auxquelles s¹ajoutent les trajets du domicile à la gare de L¹Aigle, puis de la gare Montparnasse au lieu de travail)Š Ceux qui ne sont pas dans ce deuxième train (la première navette jusqu¹à Dreux est passée à 05h50) prendront celui de 07h52Š
La rame (en grande partie financée par le conseil régional de Basse-Normandie) arrive d¹Argentan presque vide, mais les Aiglons occupent rapidement le terrain. Chacun a ses habitudes et rejoint sa place de prédilection. Généralement, après les cinq minutes nécessaires à une installation confortable, on se blottit dans un coin pour achever une nuit précocement interrompue. Le train ressemble tant à un dortoir que les contrôleurs hésitent parfois à effectuer leur tournée pour ne pas avoir à réveiller ces compartiments de marmottes. Quelques courageux lisent. Les bavard(e)s invétéré(e)s commencent leur caquetage.
Viendront les arrêts de Verneuil-sur-Avre, Nonancourt, Dreux et Versailles avec leurs flots de voyageurs qui « se caseront » là où nous leur avons laissé de la placeŠ A la longue, tous se connaissent au moins de vue et les « bonjour ! » sont fréquents.
08h30. Arrivée à Vaugirard et ruée dans les escalators et autres tapis roulants qui nous permettent de rejoindre le métro à Montparnasse. On se sépare, en se donnant rendez-vous à ce soir, probablement à 18h20, au pire à 19h35 (le dernier train en partance pour Granville).

Mais la vie des usagers de la ligne Paris-Argentan-Granville n¹a rien d¹un chemin de fer tranquille. Souvent, trop souvent, des « problèmes » surviennent sur ce parcours. Tantôt « incident technique », tantôt « accident de personne », tantôt un mouvement social de certaines catégories professionnelles (le dernier conflit, en novembre-décembre, émanait des mécaniciens dArgentan et de Caen mécontents du nouveau planning et/ou de leurs salairesŠ), quand ce n¹est pas un oubli de locomotive, le retard d'un machiniste, ou l¹impossibilité de raccorder deux rames : il n¹est pas de semaine où au moins un trajet, dans un sens comme dans l¹autre, ne soit perturbé (parfois très fortement : jusqu¹à quatre heures de retard pour un trajet qui n¹en fait qu¹une et demie !), voire purement et simplement annulé. Sachant que le prix de l¹abonnement forfaitaire pour la liaison Paris-L¹Aigle auquel nous souscrivons va de 320 euros mensuels la première année, pour diminuer progressivement jusqu¹à 220 euros, on serait en droit d¹attendre des prestations dignes d¹un véritable service public.

Alors, quelle est cette malédiction qui semble frapper la ligne Paris-Argentan-Granville ?
Longtemps menacée de disparition par une SNCF désireuse d¹en finir avec les lignes qu¹elle estime insuffisamment rentables, la mobilisation de ses usagers et de la région a permis son maintien. Mais à quelles conditions ? Certes la région a procédé à la mise en conformité de toutes les gares de la ligne avec les normes de sécurité (passerelles ou souterrains pour éviter toute traversée des voies par les voyageurs, rénovation des locaux). La région a également mis la main à la poche pour aménager le terminal Vaugirard et permettre ainsi que le trafic de cette ligne n¹encombre plus les quais de la gare Montparnasse, désormais prioritairement consacrée au réseau Sud-Ouest de TGV. Certes, les vieux trains verts qui ont sévi jusqu¹à la fin des années 1990 ont été remplacés par des rames flambant neuves, lookées façon TGV (il s¹agit en fait de rames destinées au réseau de TER)Š mais en nombre largement insuffisant, ce qui provoque une utilisation excessive et donc une usure accélérée de ces engins dont les moteurs ne sont pas prévus pour des trajets aussi longs et aussi fréquentsŠ Résultat : des problèmes techniques incessants, un personnel navigant excédé d¹avoir à les résoudre dans l¹urgence tout en faisant face au mécontentement que les usagers ne manquent pas de lui manifester, et chaque partie se renvoie la balle : les agents de la SNCF soulignent que ces rames inadaptées ont été achetées par la région ; les élus régionaux répondent qu'ils n'ont procédé à ces achats que sur les conseils de la SNCF... Saurons-nous un jour qui dit la vérité et, surtout, la SNCF va-t-elle enfin retrousser ses manches et procéder à un entretien suivi et efficace de ces rames dont la région lui a confié (moyennant finance, évidemment) la maintenance ?

Bien sûr, direz-vous, personne ne nous oblige à subir ce stress et cette fatigue d¹une demi-journée supplémentaire quotidienne. Certes, nous avons fait le choix de quitter la capitale (devenue trop chère ou trop bruyante ou trop polluée) pour privilégier un cadre de vie : la campagne normande, l¹espace que nous autorisent les prix d¹achat immobiliers encore raisonnables, et, malgré tout, la relative proximité avec les commodités de ParisŠ
Mais ce petit train qui va dans la campagne est un lien essentiel entre notre domicile et notre lieu de travail : l¹Orne est une région en désertification industrielle et les 60 « fêlés » que nous sommes représentent une force économique non négligeable dans ce secteur où le chômage touche plus de 15% de la population active. A force de jouer le tout-TGV, par son désengagement total dans la gestion des « petites lignes » (celles qu¹elle juge comme telles), la SNCF participe à la non repopulation des régions rurales.
Anne

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour, juste pour dire que suis ok avec tout ce que vous ecrivez. Seulement la SNCF n'est pas la seule responsable!!! La faute en incombe en grande partie à nos politiques, avec la régionalisation c'est le conseil régional qui à choisi ce materiel qui ne correspond pas au profil de la ligne, qui a choisi une voie unique, dit non à eletrification...

Anonyme a dit…

Bonjour,
Tout n'est pas la faute de la SNCF mais elle en est grandement la cause malgré tout.
Vous parlez du matériel acheté par la région, c'est vrai. Mais ils 'lont acheté sous les conseils de la SNCF. Ils ont pas pris un catalogue et dis c'est ceux qu'on veut.
Pour la voie unique, je ne sais pas et je veux bien vous croire. Pour l'électrifiction, en effet il y'a eu une période pas si lointaine ou cela a été abandonné ou plutôt remis à plus tard. Cependant, cela va faire également quelques temps qu'il est demandé d'électrifier la partie foligny - granville et également d'avoir des motrices qui mixtent électrique-diesel.
Cordialement

Anonyme a dit…

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