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mardi 18 mars 2008

l'accident de personne (explication d'un cheminot)

Un accident de personne, même avec des équipes préparées est une "aventure" différente à chaque fois.

* La position de l'accident et l'heure déterminent énormément de la résolution du problème. Y a-t-il des trains bloqués en pleine ligne ? Combien ? Peuvent-ils changer de voie ? Peuvent-ils rebrousser ? Ici, Chaque train nécessite un traitement particulier à savoir que la question de la réutilisation des rames et des conducteurs au terminus à la fin de l'incident est aussi une question cruciale pour les opérateurs des Centres Régionaux des Opérations . Il s'agit de ne pas se tirer une balle dans le pied et trainer l'incident sur plusieurs jours (conducteurs et rames ne se trouvant pas où elles devraient pour leurs réutilisations ultérieures).

Et lorsque la police autorise la reprise de la circulation, ça ne veut pas dire "circulation normale" : il y a toujours une ou plusieurs rames coincées en pleine voie et des rames et des conducteurs éparpillés dont le planning est totalement perturbé par rapport au plan de transport théorique. Il faut alors remettre de l'ordre dans tout ça. Sur une ligne de RER ou de trains banlieue, ça perturbe le service pour le reste de la journée et une partie de la nuit.

* Le détournement est une éventualité, mais pas systématique. En plus de la position du train par rapport à l'accident, pour des raisons de sécurité les conducteurs ne sont pas habilités à toutes les lignes de chemin de fer. Si la situation se présente, il faut alors le faire "piloter" d'un autre conducteur qui lui est habilité à la ligne... Encore faut-il en avoir sous le coude.

* La question de l'intervention des acteurs extérieurs. Un accident de personne mobilise beaucoup de monde : pompiers, policiers, SAMU... Qui ne sont pas familier avec l'environnement ferroviaire. Il faut donc les encadrer pour atteindre et leur permettre de travailler sur les lieux de l'accident en toute sécurité sans qu'un train leur passe dessus. Il faut éviter le suraccident (ça s'est vu).

Les priorités de la police ne sont pas les mêmes que ceux des agents SNCF. Les uns enquêtent ; les autres ne veulent qu'une chose qu'on débarrasse les voies le plus vite possible.

De plus, la présence d'un Officier de Police Judiciaire est obligatoire et souvent celui-ci (pris sur d'autres affaires) mets beaucoup de temps à arriver. Seul lui est habilité à déterminer s'ils s'agit d'un suicide avéré, d'un meurtre ou d'un accident. Dans le cas du suicide, la situation peut-être relativement rapidement réglée (2h00 en moyenne). Par contre, s'il s'agit d'un meurtre (1 cas sur 30), l'enquête peut prendre beaucoup plus de temps (presque 5h00 parfois) avant la reprise de la circulation sur les voies.

Je me souviens qu'après d'un accident de personne (c'était un enfant qui courrait après son chien) survenu sur la ligne TGV entre Paris et Le Mans, il a fallu 3 heures aux pompiers uniquement pour rassembler tous les morceaux du cadavre éparpillés sur 3 kilomètres.

* Sur la question des bus, la SNCF est en contrat avec plusieurs compagnies en fonction des zones géographiques. Seulement, quand ceux-ci sont sollicités, leur disponibilité n'est pas immédiate. En effet, généralement les compagnies de bus ont aussi une activité principale : ramassage scolaire, charter, groupes de touristes... Et n'ont pas forcément des conducteurs mobilisables dans la minute (par exemple, la nuit ou le week-end les chauffeurs sont comme vous et moi, ils dorment en pyjama dans leur lit chez chez eux loin du boulot). Donc, même si une compagnie de bus est sollicité, il ne faut pas attendre les premières dessertes de bus avant 3/4 d'heure après le début de l'accident.


* Enfin, qui dit accident de personne dit conducteur à relever et rame à inspecter.

Percuter un être humain est très traumatisant et l'expérience montre qu'un conducteur ayant vécu ce traumatisme devient instable et dangereux pour lui-même et ses passagers s'il n'est pas suivit par un thérapeute. Donc, la procédure impose qu'il soit relevé de ses fonctions immédiatement. Ainsi, pour que ce soir rapide, encore faut-il faut avoir un remplaçant sous le coude.

La rame qui a heurté, quant à elle, a peut-être subit des dommages et doit être inspectée par des agents du matérielle dès sont arrivée au terminus et ne peut être réutilisée immédiatement dans le circuit commerciale. Sans compter son nettoyage impératif.


Tout ce message pour expliquer que "l'accident de personne" est un aléa qui nécessite une logistique particulière. Même bien préparés, chaque situation est différente et nous ne sommes pas à l'abri des erreurs d'appréciation, des mal-entendus et de malchance supplémentaire. Ce genre d'incident mobilise beaucoup de monde et nécessite une coordination accrue entre les agents. Nous nous souvenons tous de ce qui est arrivé aux voyageurs de la gare Plaine Stade de France qui ont passés la nuit dans la gare à la suite d'un incident (qui n'était pas un accident de personne, mais à un incendie. La circulation a été interrompue dans des conditions similaires à un accident de personne pour les usagers). Une mauvaise coordination et des informations contradictoires sur la durée prévisible de l'incident n'ont pas permis une bonne prise en charge des clients ce soir là.

Un accident de ce type n'est jamais agréable ni pour les usagers, ni pour les agents, et on ne peut en espérer que le moins possible.

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